Les toilettes près de la Salle d'Etudes

[Salle d'études]

Comme quasiment tous les soirs où il n'y avait pas entraînement, Liberty se rendait après les cours dans la Salle d'études afin de pouvoir se concentrer sur ses devoirs. La plupart des élèves, arrivés en cinquième ou sixième année, pensaient en général qu'ils pouvaient se dispenser de cette heure de travail. Mais Liberty étant l'une des rares Serdaigle en difficulté scolaire, William Kay et elles s'étaient accordés quelques mois auparavant sur le fait qu'elle devait redoubler d'effort pour rattraper le niveau de ses camarades malgré le retard accumulé. Même à présent qu'il n'était plus là, la petite préfète continuait à se fier aux encouragements de l'ancien directeur.
Et puis de toute façon, elle verrait Gaëlys après l'entraînement de Qudditch des Poufsouffle. Cette simple pensée était suffisante pour lui donner un regain d'énergie et d'enthousiasme.
Malgré les inévitables chuchotements et le léger brouhaha qui troublait le silence studieux de la salle, Liberty, concentrée, s'en sortait plus ou moins bien dans ses exercices de divination. L'intervention de la petite Amy pour demander l'autorisation d'aller aux toilettes la troubla à peine. Ce ne fut qu'un quart d'heure plus tard, lorsque le professeur de Potions commença à montrer des signes d'impatience que Liberty leva le nez de son parchemin. Rogue jetait de temps à autres des coups d'oeil à la porte, comme s'il attendait encore quelqu'un à cette heure-ci, et c'est alors que Liberty se rendit compte qu'Amy n'était toujours pas revenue.

"M'sieur," intervint-elle en coupant le silence relatif de la pièce, "Je voudrais voir si Amy va bien, je peux ?"

Après l'approbation de Rogue, la petite préfète se rendit aux toilettes les plus proches de la salle d'études, mais n'y vit au premier abord personne. Ce ne fut qu'au bout de quelques secondes qu'elle remarqua les souliers vernis dépassant sous la porte de bois d'un des cabinets.

"Tout va bien, Amy ?"

Heureusement les toilettes n’étaient pas loin. Une fois sortie de la salle d’étude après l’autorisation du professeur de potions, Amy les avait rejointes en quelques pas. Elle avait comme d’habitude choisi la cabine la plus au fond, c’était sa préférée car on pouvait faire pipi sans que les autres entendent, les autres allaient toujours dans celles près de la porte. La blondinette s’était vite assise vue la douleur qui lui tournait les entrailles dans tous les sens, mais rien. Rien du tout, absolument rien .

._.

Voilà qui était étrange.
A peine un petit pipi. Et la douleur diminuait. C’était donc une fausse alerte. Heureusement ! Elle n’avait pas du tout envie d’être malade le week-end. Surtout avec tous les devoirs qu’elle avait à faire.
Le cœur allégé, Amy prit quelques feuilles de papier, s’essuya et se rhabilla, pensant déjà à ce qu’elle allait pouvoir demander à la bibliothécaire pour son devoir sur les magies anciennes d’Amérique latine lorsque son regard tomba sur la cuvette. Ses yeux s’arrondirent et sa main resta en suspend au dessus du bouton de la chasse d’eau. Du sang.

Son cœur allégé s’alourdit soudain, alors que sa main se mettait à trembler, que son cœur s’emballait et que ses intestins dansaient la gigue. La panique lui grignotait l’estomac comme un rat affamé… et terrifié.

Reprenant son souffle et essayant de garder son calme, Amy releva sa jupe. C’était peut-être le papier de quelque d’autre après tout. Elle allait en avoir le cœur net. Un cri aigu mais étranglé jaillit de sa gorge serrée. Sa petite culotte jadis blanche était maculée de sang aussi. Des larmes lui montèrent aux yeux aussitôt et roulèrent sur ses joues alors qu’elle se rhabillait. Elle allait aller à l’infirmerie. Il y avait une infirmière maintenant et puis ils appelleraient sa maman.

Dans son affolement, elle n’avait pas entendu l’entrée de Liberty et elle sursauta en entendant sa voix juste derrière la porte. Amy ouvrit la porte à la volée et se précipita sur la 7ème année qu'elle admirait tant sans avoir jamais osé lui parler, s’accrochant à sa taille avec force tout en pleurant à chaudes larmes.

" Je saigne ! Et j’ai mal ! J’ai peur ! J’veux maman ! " tout ça entre d’énormes sanglots qui l’étranglaient à moitié.

La porte ouverte à la volée, manquant de casser le nez de la petite préfète qui s'en était approchée, fit violemment sursauter Liberty. Un éclair blond fonça sur elle avant de s'accrocher à sa taille comme un enfant apeuré se serait accroché à la taille de sa mère. Ce fut d'ailleurs un peu ce que ressentit Liberty à ce moment : Amy, visiblement affolée, était venue sangloter dans ses bras.
Un grand malaise s'empara de la petite préfète qui était restait droite et potiche, les bras ballants de chaque côté de son corps. Elle baissa le regard, qui tomba sur son étoile à demi enfouie dans la chevelure d'Amy (qui d'ailleurs était à peine plus petite qu'elle).

"Déjà, calme-toi," commença Liberty sans pouvoir cacher le malaise dans sa voix. (De toute sa carrière de préfète, c'était bien la première fois qu'une telle situation lui arrivait.)

"Calme-toi," répéta-t-elle en s'écartant de la deuxième année, les mains sur ses épaules. "Comment ça, tu saignes ? Tu es blessée ?"

Elle observa un instant les yeux embués de larmes et pleins de détresse d'Amy. Il ne lui en fallut pas plus pour que cela fasse 'tilt' dans sa petite tête d'Attrapeuse.

"Ah oui d'accord, je vois ... première règles, c'est ça ? u.u"

Le premier réflexe d’Amy, lorsque Liberty la prit par les épaules pour l’écarter d’elle, fut de s’agripper à son uniforme. Elle dut cependant lâcher prise mais gémit de façon pitoyable. Ses joues étaient baignées de grosses larmes et son nez coulait. Les mains de la préfète sur ses épaules suivaient le rythme de ses sanglots dans une danse endiablée. Ce fut plus le calme et l’apparent sang froid de Liberty qui calma la petite blondinette que les mots qu’elle prononça. Ses sanglots s’espacèrent sans pour autant disparaitre. De temps à autre un gros spasme venait lui déchirer les poumons.

Si elle était blessée ? A vrai dire elle n’en savait rien et ça ne lui était même pas venu à l’esprit. Elle supposa que non, vu que les seules douleurs qu’elle ressentait étaient nichées dans son ventre et pas « là ». Elle secoua la tête, faisant onduler ses longues couettes, et renifla bruyamment. Elle releva ses yeux pleins de larmes pour les redescendre après avoir juste effleuré le regard de sa préfète. Même si Liberty était une fille, c’était très gênant pour Amy de lui dire d’où elle saignait.

« L’infirmer… Hein ? »

Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Amy était en train de saigner abondamment et Liberty prenait pour une fois son rôle de préfète à cœur au point de lui parler des règles ?

« Première règle ? »

Dans d’autres circonstances, la studieuse 2ème année aurait ou lui réciter tout le règlement par cœur mais là, dans sa panique et avec la peur qui continuait à jouer au yoyo avec son estomac, elle avait du mal à mettre ses idées au clair. La première règle ? … Voyons…ah oui !

« Ben, la première règle c’est de jamais entrer dans la forêt interdite... Mais j’y suis pas allée ! Jamais ! »

Et la voilà qui re-pleurait ! Elle avait toujours respecté toutes les règles et voilà maintenant que Liberty, son idéal féminin tant par le look que le caractère et la droiture, sous-entendait qu’elle avait enfreint la règle principale et qu’elle s’était blessée dans la forêt interdite !

« Je jure que je suis pas allée là-bas ! J’ai mal au ventre et je saigne mais c’est pas de ma faaAAAAAAUUUUUUUuuuute ! » brailla-t-elle en enfouissant son visage dans ses mains.

"Je jure que je suis jamais allée là bas."
Liberty cligna longuement des yeux, pas tout à fait sûre de ce qu'elle venait d'entendre. Mais de quoi est-ce qu'elle parlait ? Se pouvait-il que ... non, c'est elle qui avait l'esprit tordu, Amy était bien trop jeune pour penser à ça =_='

"Euh ... par où commencer ...", s'interrogea-t-elle en se mordant la lèvre inférieure, ses mains toujours posées sur les épaules d'Amy.

De toute évidence, la jeune Serdaigle n'avait jamais entendu parler de menstruations ... C'était bien sa veine -_- A l'instant où elle le réalisa, la petite préfète regretta que quelqu'un d'autre ne se soit pas dévoué pour aller prendre des nouvelles d'Amy.
Quelques secondes s'écoulèrent, dont le silence ne fut troublé que par les sanglots d'Amy, avant que Liberty ne reprenne la parole.

"Ok. Ne bouge pas, je reviens tout de suite !"

Sans attendre son reste, Liberty vit volte-face, se hâta en direction de la salle d'études et n'en revint qu'une minute plus tard, le poing serré comme si elle y cachait quelque chose à l'intérieur.

"Ca va ?" s'enquit elle maladroitement, tendant à Amy un petit objet cylindrique enveloppé dans ce qui ressemblait à un sachet de sucre.

"Tu sais comment on met un tampon ?"

La porte s’était refermée derrière Liberty. Bien obéissante, Amy séchait ses larmes en attendant le retour de sa préfète. Le simple fait qu’on s’occupe de son problème, que quelqu’un d’aussi responsable que Liberty s’occupe de son problème, faisait que déjà la petite poulette se sentait mieux. La 7ème année n’avait pas paru paniquée, juste un peu ennuyée, et puis elle ne l’avait pas emmenée d’urgence à l’infirmerie ce qui en soi était rassurant. Ce qui était moins rassurant c’était de rester dans ces toilettes toute seule. Enfin mieux valait seule finalement… Quelle histoire ça aurait été si c’était Kenny qui était venu la chercher ! D’ailleurs lui, il s’en fichait bien de pas la voir revenir. Il ne pensait qu’à lui de toutes manières.

Liberty était de retour et Amy avait cessé de ronger son frein contre son ami de Gryffondor. Elle resta cependant interdite devant ce que la main de la préfète lui révéla. Elle s’attendait à une petite fiole de potion, ou quelque chose dans le genre, peut etre une graine de plante exotiques aux vertus merveilleuses. Au lieu de ça, voilà que Liberty lui montrait un petit machin emballé comme un bonbon moldu. Amy releva ses yeux bleus pour croiser le regard de Liberty et secoua négativement la tête comme réponse à sa question. Alors Liberty lui expliqua les mystères du corps féminin. Alors Amy comprit qu’elle n’était pas en danger immédiat, mais la petite poulette blanchit aussi à vue d’œil lorsque la « grande » lui expliqua le mode d’emploi de l’objet dans sa main.

Reculant, Amy secoua de nouveau la tête. Non. C’était clairement non !

« Je vais … aller à l’infirmerie… Monsieur Lamothe… ou Melle Klieth… IIs sauront… je … merci mais… je dois retourner à l’étude… le Professeur Rogue… »

Des larmes étaient revenues dans les yeux limpides d’Amy Callaghan, 12 ans, Serdaigle et terrorisée.