Au détour d'un couloir

---Rencontre au sommet--- deux jours après l'Incident

Le premier problème à régler: se débarrasser des filles-mouches qui lui tournaient autour. Ce problème ne présentait pas trop de difficulté pour une sorcière douée portant le nom des Gloucester. Dans le couloir perpendiculaire au sien, s'avançait Keryann avec ses idolatrices. Shanaël souffla par le nez et, en sortant la tête, pointa sa baguette sur le Poufsouffle. Elle murmura une formule et réintégra son bout de couloir. Silencieusement, elle tint le décompte. à 5, les gloussements se muèrent abruptement en bruits de dégoût et les filles passèrent rapidement devant la cachette de Shanaël en se pinçant le nez. Aucune ne remarqua la préfète qui souriait pourtant.

Elle effaça son sourire dès que la horde s'éclipsa puis attendit que les pas de Keryann se rapprochent. Alors elle sortit de son couloir pour surgir, l'air de rien, sous le nez du gardien des Wild Badgers. Une intense odeur de pied se dégageait du poufsouffle. Shanaël respirait par la bouche. Des deux mains, elle agrippa la veste de Keryann et le plaqua contre le mur. L'elfe de maison à qui elle l'avait confiée lui avait certifié que Keryann avait récupéré son écharpe. Shanaël ne lui devait donc plus rien, sinon une douce vengeance.

"Je te conseille de bien entraîner ton équipe avant le match dans deux semaines parce que les Salamandes vont t'écraser."

Elle le relâcha aussitôt et repartit par où Keryann était venu. Elle s'arrêta comme si une pensée soudaine lui venait et se retourna pour faire face au pouf, toujours à plat contre le mur. Elle lui lança une pique avant de repartir.

"À quand remonte ta dernière douche?"

Sourire étincelant. Elle lui tourna le dos et poursuivit son chemin.

C'est bien malgré lui que Gaëlys se promenait, comme chaque jour, avec un (troupeau?) groupe de filles qui gloussaient autour de lui. Nombreux étaient ceux qui auraient aimé etre à sa place mais en ce qui le concerne il etait le plus souvent géné ou agacé de leur manège. mais tout poufsouffle qu'il etait, il n'arrivait pas à leur dire de le laisser tranquille, de peur de leur faire de la peine.

Alors qu'il avançait dans le couloir, une soudaine odeur infame sembla monter du sol et il ne put empecher une grimace et sa main vint couvrir son nez. Les filles le regardèrent d'un air de reproches et s'en allèrent rapidement. Force lui fut de constater que l'horrible fumet venait de lui. Comment cela etait-il possible alors qu'il avait pris une douche le matin meme apres son entrainement de quidditch? et puis c'etait si soudain...

Deux mains choisirent cet instant pour l'attraper par la veste et le coller au mur violemment. Gaëlys allait répondre en repoussant le dérangé qui l'alpaguait ainsi mais il retint son geste en reconnaissant la préfète de serpentard. Elle le fixait de son regard intense, le visage à quelques centimètres du sien, le tenant fermement contre le mur. Et à son grand désespoir, Gaëlys sentit ses oreilles rougir vivement et son sang accélérer dans ses veines.

Les paroles glaciales de la jeune fille firent vite redescendre la temperature de ses oreilles. Gloucester.. voila qui expliquait l'etrange phénomene odorifère. Et la pique qu'elle lui lança avant de s'éloigner ne fit que confirmer ses soupçons.

Remettant ses vetements en place, il répondit.

"On n'a pas besoin de s'entrainer pour vous faire face. Vous êtes en queue de classement pour le moment et ca risque de durer crois moi."

Il s'avançait un peu là, n'ayant aucune idée des nouvelles stratégies des serpentard. Mais il fallait qu'il montre de l'assurance. De l'assurance et du répondant. La réplique vint aussitôt.

"Je ne savais pas que ma douche t'intéressait Shanaël. Ta question c'est une invitation? Chacun ses fantasmes après tout. En tout cas, si ton sort va se dissiper d'ici quelques heures, l'odeur immonde de ta suffisance ne risque pasde s'estomper avant longtemps."

"Fais gaffe à tes paroles, Keryann, je suis une Gloucester et il vaut mieux pour toi que je ne devienne pas ton ennemi" grinça la préfète entre ses dents serrés. Qu'il ose parler ainsi de fantasme et laisse sous entendre qu'elle puisse s'intéresser à lui était une insanité telle qu'il lui avait coupé le souffle pendant un fraction de seconde.

Il allait voir ce prétentieux que les Salamandres avaient du mordant. Son équipe enflammerait le stade, peu importe si les autres maisons appuyaient les blaireaux. Réduits à deux fentes, ses yeux lançaient des éclairs en direction du Poufsouffle, mais elle se contenta de serrer le poing dans les replis de sa robe. Si c'était la guerre qu'il voulait, la guerre il aurait. Elle ne laisserait pas sa blessure impunie, ni celle qu'il venait d'ajouter à son orgueil.

Elle se tourna aussi sec, ses cheveux volant dans les airs et disparut dans le couloir.

Le gardien des Wild avait soutenu le regard reptilien de la préfète sans ciller. Et lorsqu'elle se detourna pour partir, dans un mouvement grandiloquant de chevelure, il prit cela pour une victoire.

Cependant il lâcha assez fort pour etre entendu de la jeune fille qui venait de tourner le coin du couloir.

"Quand cesseras tu de te cacher derriere ton nom Shanaël ? Il serait temps de devenir autre chose que l'ombre de ton père !"

Le blond secoua la tete en soupirant, et regarda à nouveau ses pieds d'où montait une odeur effroyable.

"Génial... bon.. j fais quoi maintenant?"

Et de reprendre son chemin en essayant de trouver une solution s'il ne voulait pas dormir dans une des classes vides de l'école.

Il détestait la lueur qui brillait dans les yeux de la Poufsouffle. Il la détestait parce que c’était celle qui brille dans l’œil de quelqu’un qui sait quel pouvoir il détient sur les autres, et là, précisément, sur lui. Et si elle en était consciente c’était parce qu’il l’avait laissé le devenir. Ravalant un juron mais sans détourner son regard de glace, Matthew l’avait laissée ramasser ses affaires et se rendre présentable. Qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir lui inventer alors qu’elle était obligée de le regarder en face ?
Finalement, sa voix – une voix profonde qui lui remua les entrailles – finit par envahir le couloir. Elle ne s’était pas démontée. Il avait été idiot de le croire. En effet, c’était simple.

Matthew eut un sourire sans joie alors qu’il rangeait sa baguette. Puis il glissa ses mains dans ses poches. Diable ! Il ne savait qu’en faire !
Toujours avec un demi-sourire, il reporta son regard dans les yeux pénétrants de la Poufsouffle.

« Ne pas se faire coincer ? Alors que les rondes des professeurs sont renforcées ? Que les esprits de tableaux sont embrigadés ? Que tout est mis en œuvre pour la surveillance des allers et venues dans ce château qui finit par ressembler à un bunker ? Voyons Hannah, comment avez-vous simplement pu croire que c’était possible ? Soit vous avez un égo encore plus grand que je ne le croyais, soit vous êtes idiote, ce qui ne remonte pas l’image de votre maison ni celle que j’ai de vous. Dégagez de là avant que je ne sois obligé de vous coller un avertissement, ce qui ferait du mal à votre dossier déjà placé sur la mauvaise pile du bureau ! »

Il se pencha vers elle et ajouta.

« Et croyez-moi, je ne plaisante pas… Ces temps-ci, Poudlard n’aime pas les électrons libres… »

Il avait pensé que l’obscurité l’aiderait à occulter le regard de la jeune femme mais c’était sans compter sur la clarté de la lune qui, bien qu’allant vers son dernier quartier, restait très lumineuse et jetait une vive clarté par les vitres de la fenêtre. Les yeux d’Hannah étaient éclaboussés d’éclats changeant au gré des couleurs du vitrail et cela ne le perturbait que davantage. L’idée de la ramener à sa maison lui permettrait de marcher à ses côtés et lui donnerait une excuse pour ne plus la regarder en face sans paraître rendre les armes. Matthew s’empressa donc d’accepter, regrettant aussitôt sa précipitation. Il se reprit aussitôt.

« Bien sûr que je vais vous raccompagner, je ne vous fais absolument pas confiance pour y retourner sagement. Et puis de toute façon, ma ronde est bientôt terminée et je dois regagner l’aile nord. Et je ne vous fais pas de numéro d’intimidation comme vous dites, je vous rappelle juste que je suis votre professeur et que vous dépassez les bornes.»

Le nœud dans son estomac s’était desserré. Les choses reprenaient leur place, le monde était à nouveau à l’endroit, la rose avait cessé de chanter et le professeur était redevenu celui qui guide, qui mène la danse. Comment était-il possible qu’une seule personne vous fasse perdre le sens des réalités qui vous semblait pourtant très bien ancré ? C’était inconcevable. Matthew avait toujours pris de haut les émois adolescents de ses camarades d’études, trouvant secrètement ridicules les élans, les affres et les actes affligeants auxquels certains se livraient pour l’une ou pour l’autre. Et voilà que pour la première fois ses certitudes vacillaient, ce qui était terrifiant.
Mais voilà. Tout avait reprit son cours naturel et normal.
Du moins jusqu’à ce qu’il passe près d’elle - s’empressant de la ramener à sa maison - et qu’elle lui chuchote à l’oreille. Le nœud était revenu et il était bien plus serré.
Le blond professeur ne s’arrêta pas et, les mains toujours dans les poches, répondit en s’engageant dans le prochain escalier sur la droite.

« Il est hors de question qu’on aille à mon bureau, puisqu’il est hors de question que je vous rende votre guitare ce soir. Votre conduite de cette nuit me donne plutôt envie de la confier à Monsieur Finchley avec, glissé entre ses cordes, un rapport sur notre étonnante rencontre nocturne. Estimez-vous heureuse que je n’en fasse rien pour l’instant. Tenez-vous à carreaux et je vous la rendrai en fin de semaine. »

Elle avait raison. Il fallait lâcher prise car un rapport de forces avec une telle personnalité était bien parti pour durer éternellement. Cela semblait l’amuser plus que l’impressionner. Cette tactique, qui était efficace avec la plupart des élèves ne l’était pas avec certains et elle en faisait partie. Elle se fichait de ses résultats, de sa réputation, des conséquences de ses actes, un peu comme si elle était au dessus de tout ça, où bien à côté de tout ça. Car la demoiselle pouvait avoir un sale caractère mais elle n’était ni prétentieuse, ni hautaine, aucune de ces attitudes qui rendent les gens détestables. Elle était juste là, plantée sur ses pieds, la tête dans Sa réalité et le reste ne lui importait guère. Voilà pour quoi Matthew avait l’impression d’essayer d’attraper un fragment de rêve qui s’enfuit dès qu’on le frôle quand il essayait de trouver un point sensible sur lequel appuyer son autorité. Elle n’en avait pas. Elle était de la trempe de ceux que rien n’atteint. La vraie liberté, c’était peut-être ça. Et c’était peut-être cet effluve de liberté qui l’attirait comme ça vers elle. Perdu dans ses pensées, il avait émis un « hmm » puis était resté silencieux quelques secondes avant de couler vers elle un regard bleuté.

« La réserve de Finchley ? Vraiment ? Je serais étonné, si réserve il y a, qu’elle ne fut pas dans ses appartements. Vous avez du trouver celle de quelque groupe d’élèves soucieux de se ménager du bon temps. Et non, aussi séduisante que soit votre proposition, je ne peux pas me permettre de me faire prendre en votre compagnie un verre d'alcool à la main et renvoyer, trop de gens comptent sur moi. Et leur sort m’importe, je ne suis pas comme vous Hannah, à vivre égoïstement sans penser au monde environnant. Oh j’ai des défauts aussi, mais pas celui là. Donc un verre non, une cigarette par contre, je vous l’accorde à condition que vous me promettiez de ne pas faire d’histoire pour rentrer ensuite. Blake? »

Elle s’était arrêtée quelques marches plus haut et Matt s’était arrêté à son tour, attendant et qu’elle lui réponde et qu’elle reprenne sa descente. La cour intérieure était plus proche que l’endroit qu’il avait prévu pour leur petit pêché mais bien plus risquée car plus passante. Il n’était pas le seul à faire des rondes. La poufsouffle le fixait depuis sa hauteur et il glissa ses mains dans ses poches, s’adossant nonchalamment à la rampe de pierre.

« Je n’ai pas que ça à faire vous savez ? »