Dans un couloir ordinaire

La petite Saturnia avait eu une idée brillante... très brillante ! Elle allait s'entraîner à lancer des sorts (si si !). Elle avait récemment appris la formule du sortilège de Recurvite, et si elle voulait apprendre à s'en servir correctement, il fallait qu'elle s'entraîne à le lancer. Jusqu'à ce qu'elle le maîtrise parfaitement. Et le meilleur endroit pour l'utiliser, c'était les couloirs du château. Ils étaient pour la plupart fait de carrelage, et si elle utilisait bien le sort, elle pourrait sûrement voir son reflet dans le carrelage . La fillette s'imaginait déjà se servir des couloirs du château comme d'un miroir ! Ce qui était sûr, c'est qu'elle allait lancer ce sort jusqu'à ce qu'elle puisse se voir... ou jusqu'à ce qu'elle en ait marre... Mais ce n'était pas ça qui l'intéressait le plus dans ce sortilège. Elle se demandait surtout si quand les couloirs seraient parfaitement nettoyés, on glisserait dessus, si on pourrait faire du patin à glace, sans patin (et sans glace). Ce sort pourrait alors servir de sortilège de défense... Même si ce n'était pas la plus pratique des défenses qu'il soit ! Saturnia se mit donc au travail. Elle sortit sa baguette, se racla la gorge, et s'écria :

« Recurvite ! »

Ceci fait, elle se pencha légèrement en avant pour voir si elle apercevait son reflet dans le carrelage. Hélas non. Mais c'était la première fois qu'elle lançait le sort, c'était normal qu'il n'avait pas fonctionné. Elle le relança encore et encore. Quelquefois, elle avait l'impression que le sort marchait et que le sol devenait un peu plus brillant qu'il ne l'était déjà. Mais elle ne se penchait pas à chaque fois pour vérifier si c'était le cas. Finalement elle se décida à regarder si elle voyait son reflet. Elle se pencha. Et oh merveille, elle vit une petite fille aux yeux ronds et à la bouche entrouverte. Et, chose encore plus extraordinaire, cette petite fille, c'était elle ! Après s'être remise de ses émotions, elle se demanda si le sol glissait. Mais elle n'avait pas envie de tester elle-même, il lui arrivait d'être maladroite, et elle risquait de tomber. Elle allait donc attendre qu'un cobaye passe dans le couloir (et sur la partie qu'elle avait nettoyé !). Elle relança quelque fois le sort, histoire qu'elle ne se dise pas que c'était parce qu'elle ne l'avait pas assez lancé qu'il ne marcherait pas (s'il ne marchait pas !). Puis, en attendant qu'une victime un cobaye passe, elle réfléchit à quel sort elle s'entraînerait la prochaine fois.

Le cobaye n'allait pas se faire attendre. Même si une surprise - de taille - allait arriver à la petite Poufsouffle.

Loin de s'imaginer les pièges que certains tendaient dans les couloirs pourtant déjà dangereux de Poudlard, une certaine serpentard se promenait, cherchant avec attention des traces de la présence de Chugulus des marais, dont on racontait l'invasion discrète. Elle avait entendu un portrait en parler à une armure et s'était renseignée sur les moeurs et coutumes de ces petits êtres semblables à des sangsues qu'on aurait croisées avec des mini-poulpes. La bibliothèque lui avait donné plus d'informations qu'il ne lui en fallait et c'est donc parapluie-ombrelle à la main et loupe dans l'autre qu'elle parcourait les couloirs.

Colyne se dirigeait donc insouciamment vers le couloir-miroir de Saturnia. Sauf que le bestiaire des marais qui dormait sur la cinquième étagère de la partie zoologie de la bibliothèque avait bien spécifié une chose : les Chugulus des marais ne se déplaçaient que la tête en bas, donc le long des plafonds.

Ce que vit Saturnia, ce fut une tulipe noire, tête en bas, qui avançait en martelant le plafond de ses bottines à talons. La serpentard avait usé d'un sortilège bien particulier, lui donnant adhérence sur toutes surfaces. Sa longue jupe noire, respectant Newton à la lettre, retombait vers le sol, dévoilant ses longues jambes ainsi qu'une petite culotte blanche ornées d'araignées noires et masquait tout le haut de son corps. Seules les longues couettes de la jeune fille en dépassaient, étranges étamines, ainsi qu'une main tenant une loupe où un oeil brillait, énorme, et une autre main tenant le parapluie-ombrelle de l'improbable funambule.

Elle ne glissa donc pas. Mais des pas résonnaient derrière elle, martelant le sol cette fois. Et une voix masculine bien connue des filles du collège les accompagnait.


"Hey Colyne ! Attends! Mais attends!"

"Mais Colyyyyneuh !"

Pestant et soufflant, le préfet de gryffondor entama un un dérapage contrôlé à l'extrémité nord du couloir où se trouvait actuellement les deux jeunes filles. Il avait beau avoir une bonne condition physique, courser l'araignée au plafond sur plusieurs étages commençait à l'essouffler. Heureusement, il avait adopté son rythme de croisière, mais le dernier escalier l'avait obligé à ralentir -quelle idée de croiser un groupe de quatre au moment même où les marches capricieuses choisissent de se tourner vers ailleurs- et il avait failli perdre Colyne.

Cette fille était proprement insupportable. Mais comme elle portait une petite culotte tout à fait charmante, Zachary n'avait pas mis longtemps à décider qu'il s'occuperait de son cas. Il devait bien avoir un quelconque règlement interdisant de marcher au plafond et justifiant son intervention !

C'est donc un préfet débraillé qui déboula à toute jambe derrière la tulipe plafonnière, ignorant tout du piège au combien mesquin qui l'attendait. Dix mètres... Cinq mètres... Deux mètres... Il la rattrapait enfin !

"Colyne ! Descend de là nom de mer..."

ZIOUU fit le pied du préfet, pied qui s'improvisa soudainement cascadeur et qui s'envola vers des hauteurs insoupçonnées. Réussissant par on ne sait quel miracle à retrouver le plancher des vaches, le jeune homme patina un instant avec un cri de surprise, et entama un curieux dérapage beaucoup moins contrôlé que celui qui l'avait conduit dans le couloir. Son élan l'amena à glisser encore sur quelques mètres jusqu'à ce que la loi de la gravité rappelle le gryffondor à elle et qu'il se vautre lamentablement de tout son long.

Silence dans le couloir après cette curieuse danse improvisée et non désirée. La tête du garçon avait cogné fort contre les dalles et il ne bougeait plus.

"Aïe." Constata-t-il finalement d'un ton blasé sans bouger le moindre muscle.

La jeune fille entendit des bruits de pas, et tourna la tête dans leur direction. Saturnia resta bouche bée lorsqu’elle vit le truc qui s’approchait. Comment une créature venant de la forêt interdite avait-elle pu arriver jusqu’ici ?

* Mais c’est quoi ce machin ? oO Depuis que il y a un remplaçant à Monsieur le Directeur, j’ai l’impression qu’il se passe de plus en plus de choses bizarres dans ce château ! Il pourrait surveiller en peu plus cette école quand même ! *

Ce qu’elle voyait marchait au plafond, et semblait être la maison des araignées. Absorbée par la découverte d’une espèce animale qu’elle ne connaissait pas, la poufsouffle en oublia l’expérience qu’elle avait voulu faire. Elle regardait la drôle de bête avancer, lorsqu’elle entendit une voix qu’elle aurait reconnue entre mille ! C’était celle du beau préfet gryffon . La jeune fille détourna immédiatement la tête du truc qui marchait au plafond, pour s’intéresser à ce jeune homme, qui semblait essoufflé, et courait après… après quoi ? Le machin là-haut ?

* Pourquoi il l’a appelé Colyne ? Ca a un nom ce truc ? *

Saturnia regarda plus attentivement la bestiole au plafond.

* Les trucs là-haut, ça doit être ses jambes, donc logiquement… ah mais oui, je suis bête >< La jupe a du recouvrir le corps de la personne que y a en-dessous, donc une fille normalement :D, et c’est pour ça que j’ai pas reconnu ce que c’était ! Mais pourquoi elle marche au plafond ? C’est bizarre les gens des fois ! *

Avant que la jeune fille ait le temps d’approfondir sa réflexion, elle entendit un drôle de bruit et reporta son attention sur le gryffondor. Celui semblait faire du patinage oO Il se passait vraiment des choses étranges dans ce château ces derniers jours ! La poufsouffle avait tout oublié de la petite expérience qu’elle avait décidé de faire quelques minutes plus tôt. Elle regarda Zachary passer, ou plutôt glisser, devant elle, avant de le voir tomber. Elle n’osait plus bouger, et se demandait s’il était mort. Finalement, lorsque le préfet donna un signe de vie, la jeune fille s’exclama : « Saperlipopette ! ». Puis, soulagée, elle avança précautionneusement vers le jeune homme et s’assit en face de lui.

« Ca va ? T’es pas mort ? Bah qu’est-ce qui s’est passé ? Tu faisais du patin sur glace ? Tu sais, faut faire attention, des fois les couloirs sont dangereux ! Mais c’est bizarre quand même, moi quand j’ai marché tout à l’heure, je suis pas tombée. C’est comme si quelqu’un avait… »

La jeune fille s’interrompit quelques secondes, et réfléchit. Puis elle reprit, plus pour elle-même que pour d’éventuels interlocuteurs :

« Ah bah oui, je suis bête, je sais ce qui c’est passé ._. Mais qu’est-ce que tu faisais ici toi aussi >< Tu courrais après la petite culotte que y a là-haut, c’est ça ? »

La jeune fille désigna le plafond de son index, puis continua :

« Ca t’apprendra à pourchasser les filles, nan mais oh ! »

La fille au plafond avait bien entendu qu’on l’appelait. Elle avait simplement choisi de ne pas répondre à la tentative des esprits de tableau essayant de la détourner de son but. Car ils étaient de mèche. TOUS ! ON les avait soudoyés. ON avait probablement promis de nouveaux vernis aux chevaliers et riches lords ou des restaurations hors de prix aux sorcières et jeunes filles en fleur, fanées depuis longtemps. ON leur avait demandé ordonné de faire échouer sa tâche. ON ne voulait pas que l’invasion des chugulus des marais fut découverte car elle cachait bien plus qu’un problème parasitaire : d’abord venaient les chugulus, puis viendraient les trolls, pis… l’anéantissement de toute chose ! La fin du monde telle que les sorciers le connaissaient !

Non, elle ne répondrait pas. Elle irait jusqu’au bout ! Elle était à Serpentard ! Elle était… déconcentrée.
L’œil énorme quitta son écrin circulaire quand un cri, suivi d’un étrange bruit de glissade retentit dans le couloir. Ce fut donc depuis un point de vue différent car supérieur que Colyne assista à la brève mais brillante carrière de patineur d’un étudiant. Elle reconnut un double axel, un rond de jambe, un tourbillon mais ferma les yeux lorsque la tête du garçon heurta le sol.

SHBONG que ça avait fait. D’un bond à la Matrix, Colyne sauta bondit descendit du plafond et se précipita au chevet du mourant. Il fallait faire vite. Une petite s’était approchée et demandait des nouvelles du cascadeur. Sans la ménager, Colyne lui saisit l’épaule et la fit reculer, lui confiant son parapluie ombrelle (ô honneur !), sa loupe et un demi sandwich au fromage.

« Recule apprentie ou je t’envoie dans l’ouest ! »

En une seconde et demie, elle fut à califourchon sur le garçon, une seconde après elle lui pinçait le nez, lui ouvrait la bouche et commençait un bouche à bouche inexpérimenté mais apparemment efficace. Sa langue alla vérifier que les dents du garçon n’étaient pas cassées puis elle se redressa, regardant la fillette.

« Il survivra !... As-tu vu des chugulus ? », le tout, toujours assise à califourchon sur Zachary.

Comme si sa déconvenue n’était pas suffisante, il y avait malheureusement eu témoin à sa chute grotesque. Un instant, le visage contre le sol, Zachary s’interrogea sérieusement : ne valait-il pas mieux faire le mort et resté sans bouger, plutôt que d’affronter un regard moqueur très déplaisant ? Reconnaissant soudainement la petite voix qui s’adressait à lui, le jeune homme roula sur le dos en grimaçant, se tenant le crâne :

"Non mais… De quoi j’me mêle >< ! Un peu de respect pour ton préfet ! Je courrais pas après sa culotte, je courrais parce que… parce qu’elle n’a pas le droit de faire ça, c’est dangereux ! Si je tenais celui qui a…"

Alors qu’il allait se redresser en maugréant, une chose lui bondit dessus. D’ordinaire, il n’était franchement pas contre qu’une jolie jeune fille, bien qu’un peu atteinte, lui sauta au cou, mais là, l’attaque le surprit suffisamment pour qu’il retomba en arrière. Puis ses yeux s’écarquillèrent de surprise : Colyne était en train de lui rouler une pelle ! Vu la méthode approximative de bouchage de nez, elle devait tenter un bouche à bouche, mais il n’était pas sûr que la langue fasse parti de la procédure habituelle. Pour le coup, c’était tout aussi surprenant qu’agréable et le blessé se laissa faire sans aucune protestation. Histoire de montrer à la jeune fille qu’il était vivant, il porta sa propre langue à la rencontre de celle de la serpentard. Ce n’était pas comme s’il était novice dans le domaine des baiser passionné. Trop tôt, la demoiselle se redressa en déclarant son pronostic sur ses chances de survie. Pff. Et s’il continuait à faire le cadavre, elle le déshabillait ? Après tout, vu le nombre de petits pois qui roulaient dans sa tête, elle était sans doute assez atteinte pour montrer des penchants nécrophiles.

Le temps de reprendre ses esprits, Colyne redémarrait au quart de tour, dirigeant cette fois sa vindicative vers Saturnia. Toujours allongé sous la jeune fille, Zach bascula la tête en arrière pour apercevoir le visage de la mignonne 2ème année et lui fit un léger signe de connivence : la folie douce de la serp n’était un secret pour personne.

"Tu parles de chugulus des prés ? Ou de chugulus des marais ? Tu sais, je crois que…"

Prenant un air mystérieux, il fait ensuite mine de changer d’avis :

"Oh et puis non, laisse tomber."

Enfin, il se décida à se redresser. Non pas que la position l’indispose –il était toujours partant pour qu’une jolie fille s’assoit sur lui- mais en se débrouillant bien, il pouvait et reprendre figure humaine, et la garder sur ses genoux encore un petit peu. Le garçon s’accrocha à la taille de Colyne pour prendre une position assise, la maintenant du même coup à califourchon sur ses cuisses, et se retrouvant nez à nez avec elle. Lui adressant un sourire, il la libéra cependant rapidement pour la laisser libre de quitter son perchoir, ne tenant pas à se prendre une claque, puis il se retourna vers la seconde année qui les regardait toujours :

"Saturnia ? Tu sais qui c’est amusé à jeter des sorts sur le carrelage ?"

On ne se moquait pas impunément de Zachary Cornwell, ça non !