Cours optionnel du vendredi

Son nom était toujours là. Incroyable. Baker pensait qu’il avait fait des progrès ? Lui ? Samuel Gamegie ? L’élève que le professeur exécrait plus que n’importe qui ?

Cela faisait plusieurs jours que cette affiche était apparue sur le panneau d’affichage de la maison Serpentard. Samuel se rappelait encore du matin où Sascha avait déboulé en trombe dans le dortoir des garçons pour le sortir de son lit et la lui montrer. Baker offrait un cours particulier aux élèves les plus méritants et Samuel était dans la liste. Depuis il n’avait cessé de se demander ce que c’était que ce traquenard et avait juré ses grands dieux de ne jamais mettre un pied à ce fichu cours.

D’ailleurs il s’attendait à ce que son nom disparaisse juste avant le jour J, genre : « Ah la bonne blague ! Ne me dites pas que vous avez cru à un truc aussi énorme ? ». Baker avec le sens de l’humour ? Aussi impensable que Juju sans appétit.

Sam s’était donc juré de ne pas y aller. Mais c’ était sans compter sur la pression des serpy qui n’étaient qu’à quelques points des Gryffon dans le décompte des sabliers. On n’avait cessé de l’inciter à y aller. Pour une fois qu’il pourrait faire gagner des points à serp ! (Sympa hein ?) On comptait sur lui, et c’était vrai en plus qu’il avait fait des progrès ! Et il fallait qu’il ait confiance en lui, et Baker n’était pas si bête finalement. Mais non, il ne le détestait pas puisqu’il l’avait choisi et regarde Ailis comme elle rage de pas en être et…

Et finalement, il avait prit son sac et s’en était allé vers la salle maudite, de mauvais poil, sans enthousiasme. Quelques personnes attendaient déjà devant la porte et, en arrivant, Samuel grommela.

« Salut. C’est quoi cette entourloupe ? Il réunit les plus nuls pour s’en débarraser et aider la sélection naturelle ? Nan sérieux, il nous veut quoi hein ? »

Liberty et Zach causaient entrainement, Mackensie se remaquillait visiblement boudeuse que le beau capitaine ne lui accorde pas l’attention qu’elle méritait. Il s’adressait donc à Louka, qui le regardait avec son air bovin habituel, alors qu’au loin apparaissait la silhouette dégingandé de Tiktaktok.

« Ben v’la l’équipe toi… »

Puis la porte s’ouvrit et le groupe entra, ralentissant le pas au fur et à mesure que la stupéfaction les gagnait un à un. La disposition du mobilier était à mi-chemin entre le goûter d’anniversaire et la réunion des sorciers incompétents. Le silence régnait. Baker n’était pas encore là. Mais un mot brillait sur le tableau et soudain, Samuel sentit l’excitation monter. Animagie ? Baker voulait en faire des animagus ? Extra !

Si le premier cours de Métamorphose avec le nouveau professeur avait été un traumatisme pour beaucoup, la petite préfète des Serdaigle s'en était étonnamment bien sortie.
Elle avait réussi l'exploit de ne pas se faire remarquer, mis à part lorsqu'elle avait ramené le fruit de son labeur sur le bureau de l'horrible professeur Baker à la fin du cours : six beaux gallions, trois mornilles et une noise. Elle eut même la stupéfaction de se voir gratifier d'un vague "bien, bien" de la part du professeur pourtant si méprisant à l'égard de ses élèves. Dès le lendemain, les notes avaient été affichées publiquement (tant qu'à faire) sur le tableau d'affichage, et elle put constater qu'elle avait obtenu un A, qui était le note maximale que pouvaient obtenir les "Mauvais" élèves selons le système de notation bien particulier de Baker.
Peu de temps après, l'annonce d'un cours particulier auquel elle, entre autres, était conviée.
Il faut dire qu'elle s'était révélée particulièrement bonne à ce jeu. Avec un sourire, elle se remémora cette fois où, en deuxième ou troisième année, elle et son ami Tiffenn avaient eu leur quart d'heure de gloire en transformant accidentellement tous les objets qui leur passaient sous la main en or plus ou moins pur, ce qui lui avait permis par ailleurs de s'acheter son Nimbus Century, le deuxième balai le plus performant sur la marché mondial à l'époque.
Depuis cet accident mystérieux, elle n'était jamais parvenue à reproduire cet exploit (et pourtant, ce n'était pas faute d'essayer), mais grâce au cours du professeur Baker, elle commençait à croire que peut-être, elle avait ça dans le sang. Un genre de roi Midas en petite et blonde quoi.

Elle fut cependant déçue de ne pas voir Gaëlys figurer sur la liste, alors qu'il avait pourtant produit des métamorphoses largement satisfaisantes selon elle (mais était-elle bien objective ?), et se demandait bien par quel miracle Sam qui avait pourtant été lamentable, lui, en faisait partie.
Persuadée qu'il y avait anguille sous roche dont son ami de Serpentard risquait de faire les frais, mais bien décidée à obtenir des points supplémentaires pour sa maison et d'enrichir ses connaissances personnelles en Métamorphose, elle n'hésita pas une seconde.

Arrivée quelques minutes à l'avance, à la fois excitée et inquiète de ce qu'ils allaient bien pouvoir apprendre dans ce cours, elle fut bientôt rejointe par Zachary qui ne semblait guère plus serein qu'elle, et ils se mirent à discuter Quidditch afin de penser à autre chose, jusqu'à ce que la porte s'ouvre, visiblement en toute autonomie et les interrompe.
La petite préfète pénétra dans la salle et, tout d'abord surprise par l'organisation beaucoup plus accueillante que dans ses souvenirs du derniers cours de métamorphose, une vague d'émotions monta en elle à la lecture de l'intitulé du cours sur le tableau : ANIMAGIE.

"Pourvu que ce ne soit pas une blague..." souffla-t-elle, sans parvenir à quitter le tableau du regard.

Puis, se ressaisissant, elle balaya la classe du regard à la recherche d'une paire d'yeux luisants, mais de toute évidence, aucune hyène ne se tapissait dans l'ombre cette fois-ci.
N'osant pas prendre place dans les fauteuils à l'air pourtant moelleux, elle resta plantée au milieu de la classe, échangeant des regards mêlés de toutes sortes d'émotions avec ses camarades.

Comment avait-il fait ça ? Il n’y avait que la porte fermée et une seconde plus tard, Baker était là, sans aucun « ploup » ou « bang » de transplanage, derrière eux. Il était passé à travers le mur ou quoi ? Instinctivement, dans un dérisoire désir de protection, Samuel s’était reculé dans un coin, écrasant par la même occasion le pied trop présent de Tiktaktok et se contenta d’un murmure pour s’excuser avant de se faufiler derrière le seul élève de tout Poudlard qui fut plus grand que lui. Mais Baker était passé et avait pris place dans un fauteuil, invitant ses proies étudiants à s’asseoir. Samuel prit place sur un fauteuil du côté droit de la salle, prenant bien soin de ne pas se retrouver pile en face du professeur, ce que fit la courageuse Liberty.

Liberty sur laquelle fut dirigée l’attention du sinistre professeur après qu’il eut dégusté fort désagréablement un gâteau. Un éclair doré passa de sa main à cette de l’attrapeuse, attirant le regard de tous. Lorsque le blond serpent ramena son regard sur le siège du professeur, ce fut pour constater qu’il était vide. Les prunelles de Sam s’agrandirent mais il n’eut même pas le temps de tourner la tête pour essayer de retrouver la maigre silhouette que l’odieuse voix montait dans son dos en même temps qu’il sentait les griffes de Baker frôler le tissu de sa chemise. Il frissonna mais ne bougea pas, écoutant les paroles qu’elle débitait.

Evidemment, il avait eu raison. Il n’était là que pour amuser Baker. Et dire qu’il avait laissé les autres le persuader de venir se jeter dans ce traquenard. Baker avait lâché son fauteuil et continuait son tour. Samuel se pencha pour saisir son sac. Le prendre et s’enfuir. Retourner dans les cachots, s’y terrer et après ? Subir encore els moqueries de tous ? Retourner en cours, (il y serait bien obligé) et continuer à être le souffre-douleur du maître de métamorphoses ? Cette fuite changerait quoi ?

Tandis qu’il réfléchissait, ses doigts se détendirent et le sac s’avachit à nouveau contre le pied travaillé du fauteuil. Baker continuait sa ritournelle. Il voulait être impressionné. Et bien il allait déjà être impressionné par une chose : Samuel Gamegie n’allait pas fuir comme d’habitude. Il allait rester et se déchirer. Et si ça ne suffisait pas pour l’odieux connard, et bien tant pis, mais au moins il s’en sortirait la tête haute.

Et puis, ses nuits d’entrainement aux sortilèges dans cette salle désaffectée du troisième étage lui avaient fait faire des progrès. Restait à voir s’il allait pouvoir les montrer.

Sam se leva et les autres le regardèrent, certains avec un petit sourire de compassion, d’autres avec un rictus amusé, mais tous absolument sûrs de sa fuite. Mais il se contenta de prendre un petit biscuits chocolaté avant de se rasseoir pour le manger, une jambe nonchalamment croisée sur l’autre.

« Ben quoi, on peut se servir non ? Qu’est-ce qu’on doit faire monsieur ? On n’a pas de consigne ? »

C’était la première fois que Sam s’adressait ainsi à ce professeur et sa gorge était tellement serrée que la bouchée de biscuit eut du mal à descendre. Mais aucun tremblement n’était perceptible dans sa voix.