Jeux de gamins =D

"Attends, c'est encore un peu plus loin, j'en ai vu une grosse comme ça, et sans les pattes !"

Comme Kenny Miller semblait ne pas le croire, il ajouta un véhément : "Si, si, jte jure !"

Flash-back. C'était le cours de potions cet après midi, et Amy Callaghan avait encore fait son Amy. Les deux Gryffondor avaient eu droit à une leçon de découpe de la feuille de Belladone particulière (et particulièrement offensante), juste parce qu'ils avaient eu l'idée de découper celles-ci en forme de fesses (ce qui demandait quand même beaucoup plus d'habilité). Le pire, c'était que Rogue avait récompensé la Serdaigle de quelques points pour cette initiative. C'était vraiment très énervant. Du coup, Kenny et Benji s'étaient dit que Amy méritait elle aussi une leçon particulière. Une leçon d'araignée.

Se réjouissant d'avance de leur bonne blague, Benji guidait son camarade à travers les couloirs souterrains du château, où il avait repéré un splendide specimen justement en se rendant au cours de potions deux heures plus tôt.

"C'est moi où le prof de potions est vraiment à l'ouest ?" conversa-t-il tout en cherchant du regard l'araignée qu'il avait baptisée Lolita (bah quoi ?). "J'ai jamais vu un prof aussi à côté de la plaque, jte jure. Il a même pas remarqué qu'on prenait pas de notes !"

Tout en bavardant insouciemment, il passa sans la remarquer devant la porte de la réserve de potions grande ouverte.

La casquette enfoncée jusqu'aux yeux, les mains dans les poches de son uniforme, le petit Miller était hilare. Il y a quelques secondes encore, le gryffon arborait l'air blasé du grand conduit par un cadet devant encore faire ses preuves, mais l'artifice n'avait pas tenu longtemps. A présent, c'était avec un sourire jusqu'aux oreilles qu'il avait hâté le pas, pressé de voir ce monstre tant vanté par Benji. Tant qu'il faisait hurler cette pimbêche d'Amy, il était pour !

"Oué carrèment ... L'année dernière, il m'engueulait dès que je remuais un sourcil ... Mais là, il est trop occupé à surveiller ceux de son bébé ! "

Mettant la main à la pâte, le petit lion se fit un devoir de passer en mode niffleur à son tour, cherchant, à défaut de Lolita, une araignée dont la taille pourrait convenir à leur entreprise. Il était toutefois moins absorbé que son ami et tomba en arrêt devant la porte ouverte, fasciné.

"Benji ... BENJI ! Chuchota-t-il d'un ton impératif. Ramène ta fraise ! Tu vois ce que je vois ?"

Jamais d'ordinaire le Rogue n'aurait oublié une telle chose, il devait vraiment être sur la fin ... Jetant un coup d'oeil à droite puis à gauche pour s'assurer qu'ils étaient seuls, le 2ème année fit un pas dans la petite pièce, les yeux rivés sur les milliers de fioles et ingrédients qui reposaient là.

"Merlin de merlin ... Oublie ton araignée !"

« Je l’ai trouvée ! »

Lolita tenta de s’échapper, mais les mains de Benji formèrent une bulle emprisonnant l’araignée sans pour autant lui faire mal. Les pattes velues lui chatouillaient les paumes mais il ne la lâcha pas, fier de sa capture et de son courage.
Mais lorsqu’il se retourna, Kenny n’était plus dans son champ de vision. L’ombre du lionceau s’étendait, déformée sur les dalles, encadrée par un rai de lumière provenant de la porte entre-ouverte de la réserve de potions.
Les yeux de Benji s’arrondirent d’intérêt, et il ne fut pas long à emboîter le pas de son ami, voir à le bousculer un peu pour pénétrer d’avantage dans l’entre sacré.
Des étagères pleines de bocaux, de flacons. Ca et là, sur des tables ou à terre, des chaudrons dont le contenu aux diverses couleurs et odeurs bouillonnaient ou reposaient tranquillement.

« Trop bon, mec ! » s’exclama le petit Gryffondor, ses yeux brillants de joie.

Dans un élan de bonté, il redonna sa liberté à Lolita en la posant sur une étagère. L’arachnide disparut entre deux bocaux d’yeux de cafards et ne réapparut jamais.
Emerveillé, Benji longea les étagères en faisant glisser son index sur les bocaux poussiéreux, observant les différentes étiquettes qui ni ne lui évoquaient que du mystère, se demandant quelle bêtise ils allaient bien pouvoir trouver avec toutes ces munitions. Il y avait moyen de faire beaucoup plus drôle, et surtout beaucoup plus original que poser une araignée sur l’épaule d’Amy.

« Doxycide, Elixir cérébral de Barruffio, Enflure, Felix Felicis … » lut-il en passant devant les flacons aux différentes formes et tailles.

« T’as trouvé quelque chose Kenny ?? »

En arrêt devant leur découverte, les yeux de Kenny brillaient de convoitise. Ils avaient trouvé la caverne d’Ali Baba ! Ô joie ! Ô allégresse ! Il devait y avoir ici non seulement de quoi rabattre le caquet de Amy pour des siècles à venir, mais également pour… mais pour tout, enfin ! Le gryffondor ne réagit même pas lorsque son ami le bouscula, tout absorbé qu’il était, tremblant presque de ne pas savoir utiliser cette magnifique opportunité au maximum de son potentiel. Très vite, comme tout bon gryffon qui se respecte, les yeux du garçon se fixèrent sur les étagères les plus hautes, inaccessibles vues leur taille respective mais qui supportait les fioles à l’air le plus intriguant.

"Là haut, regarde…"

Du doigt, il avait pointé sa cible, un flacon rond comme un ballon de foot mais brillant comme un ver luisant et qui l’intriguait particulièrement. L’araignée était oubliée, il voulait voir de plus près ce truc mais subissait les affres du 2ème année tête en l’air dont la baguette était restée dans le sac de cours. S’appuyant sur l’épaule du 1ère année, le gryffon se hissa les pieds sur les premières étagères, en équilibre plutôt instable, et tendit une main avide vers les fioles les plus hautes, mais ses doigts ne purent que frôler désespérément le bout.

"Rha ça va pas, chuis pas bien placé !"

Redescendant de son perchoir improvisé, il fit signe à Benji d’approcher puis s’accroupit légèrement, lui présentant ses mains en coupe :

"Monte voir, j’te fais la courte échelle. A moins que tu aies ta baguette ?"

Lui aussi la voulait, maintenant qu'il l'avait vue, cette petite fiole brillante comme un essaim de lucioles. Il n'avait pas plus idée que Kenny de quoi il pouvait bien s'agir, mais ils semblaient tous deux attirés par sa lumière tels deux jeunes moustiques attirés par une chandelle une nuit d'été.
L'étagère vacillait légèrement sous le poids, bien que léger, de Kenny. Benji aida son copain comme il put en maintenant l'étagère à peu près en équilibre. Mais le lionceau ne parvint pas pour autant à attraper la fiole de leurs désirs et lui proposa de lui faire la courte échelle, ou bien de se servir de sa baguette.

« Oui, je ... »

Il porta machinalement sa main à sa poche à la recherche de sa baguette, mais il revit dans un flash son sac à dos, négligemment jeté à côté de celui de Kenny au bout du couloir, leurs baguettes respectives dépassant de leurs poches. -_-
Il choisit donc la première option et posa sa basket dans le creux des mains jointes de Kenny, se servant de son autre jambe comme tremplin pour prendre le plus d'élan possible. Bien qu'étant un peu plus petit que son camarade, il atteint facilement l'étagère de cette façon.

« Je l'ai !! » s'exclama-t-il triomphant.

Ses doigts aggrippèrent le flacon rond. La surface lisse et ronde ne lui permettait pas une très bonne prise sur l'objet, qui manqua de lui glisser entre les doigts, mais Benji le tenait fermement.

« C'est bon, fais moi redesc-AahhhAah! »

Il avait perdu l'équilibre. Le petit gryffon tomba de tout son poids sur son camarade, et la fiole éclata au sol un peu plus loin, éclaboussant les alentours de paillettes dorées, y compris les vêtements et les cheveux des deux jeunes idiots.
L'étagère vacilla encore quelques secondes, menaçante, puis se stabilisa enfin, redevenant immobile.

Victoire, Benji la tenait ! Ou du moins c’est ce que Kenny crut de là où il était, il faut dire qu’il n’avait pas la meilleure vision possible de la scène, et son visage s’éclaira d’un large sourire. Jusqu’à ce qu’il apprenne une difficile leçon : il ne faut jamais vendre la bave du scroutt avant de l’avoir trait, et son cri fit écho à celui de son camarade.

"Aaah ! Attention !"

Trop tard, le 1ère année basculait, l’entraînant dans sa chute pour lui retomber finalement dessus, tirant un grognement de douleur au gryffondor. Il n’eut toutefois pas trop le temps de se plaindre car quelques secondes plus tard, c’était le fruit de leurs envies qui s’écrasaient au sol, et le garçon se protégea vivement le visage du bras, de peur de se prendre des éclats de verre. Un instant, le temps s’arrêta, les deux lions retenaient leur respiration, les yeux fixés sur l’étagère branlante. Heureusement pour eux, elle finit par se figer et ils purent reprendre leur souffle, quoique ce fût assez difficile pour le seconde année dont le torse était écrasé par son camarade.

"Mais pousse toi Benji >< !"

D’une ruade, il fit descendre un peu violemment le gryffondor pour s’asseoir vivement et frotter son fessier douloureux avec une grimace.

"Tu crois que quelqu’un nous a entendu ?"

A quatre pattes, le préadolescent se rapprocha de l’ouverture de la porte, guettant prudemment à l’extérieur, trop absorbé pour se rendre compte que son uniforme et sa tignasse étaient recouvertes d’or. Quelques secondes s’écoulèrent et Kenny rentra à l’intérieur :

"J’crois qu’non… On aurait été bon pour des heures de colle jusqu’à la fin de notre vie sinon !" Marmonna-t-il à son compagnon, d’une voix un peu plus rauque qu’à l’ordinaire et qui lui fit se racler la gorge.

"Ça va ? T’as une tête bizarre… Tu t’es fait mal ?"

En effet, le petit Benji, qui avait roulé un peu plus loin au pied d'une autre étagère, et qui se tenait à présent à genoux, les mains autours de sa gorge, avait prit une teinte légèrement verdâtre.

"Beurk, je crois que j'en ai avalé ..."

Qu'allait-il lui arriver ? A quatre pattes, il chercha parmi les restes du défunt flacon la présence d'une étiquette qui aurait pu le renseigner sur le sort qui lui était désormais réservé.

"Vite, aide moi à retrouver l'étiqueeEEette !"

Surpris par cette soudaine voix de chèvre enrouée, Benji se plaqua les mains sur la bouche. Est-ce que c'était une potion qui donnait une voix pourrie ? Etrange tout de même ...
Ce fut à cet instant qu'il commença à se sentir vraiment mal. Il commençait à suffoquer, comme si sa cravate se resserrait autour de son cou, comme si ses vêtements s'étaient mis d'un coup à rapetisser pour l'étouffer. Desserrant avec empressement sa cravate, il s'écria :

"KennyY, j'vais mouriIir ! Dis leur que j'suis moOrt en héroOs ok ?"

Toujours à quatre pattes, il tendit sa main dans un geste d'adieu désespéré en direction de son ami, qui allait le voir mourir, juste là, sous ses yeux.
Mais ... il ne mourait toujours pas. Et quelque chose sur sa main attira son attention : un léger duvet de poils sur ses phalanges ... oO Au même moment, la boucle de sa ceinture céda (ce qui fut un soulagement certain), puis les boutons du haut de sa chemise, puis ceux du bas, ne laissant que les deux du milieu, et ses chaussures lui firent soudain atrocement mal, si bien qu'il dû les enlever, ainsi que ses chaussettes. Il chaussait tout à coup du 42, et ses chevilles dépassaient de son pantalon.

"Mais...Qu'est-ce que..??! o_o"

Bouche bée, Kenny assista au début de transformation de son ami dont les membres étaient pris d’une subite poussée de croissance. Seulement le début car en effet, ce fut bientôt à son tour de se sentir à l’étroit, étranglé par ses propres vêtements devenus traîtres, et il ne réagit donc pas aux élans héroïques de son camarades gryffondor, trop occupé à se débarrasser de ses fringues avec frénésie. La cravate eut le temps d’être desserrée, la chemise retirée, mais il grandissait trop rapidement et comme Benji, le bouton de son pantalon sauta soudain et Kenny se retrouva assis sur le sol, obligé d’accélérer la cadence pour ne pas souffrir trop longtemps de sa situation.

"Rhaa la vache…" Massant ses pieds endoloris enfin libres, il releva un regard grimaçant vers Benjamin… et se figea. En face de lui, se tenait un inconnu. Ou plutôt, non, pas un inconnu, il ressemblait quand même beaucoup à son ami, mais à un… un grand. Un grand, serré dans des affaires de petit.

"Aaaaah !"

Surpris, il s’était reculé vivement, et sa tête cogna contre l’étagère. Bizarre, il ne se rappelait pas en avoir été si près. Tanguant sur ses (nouvelles) jambes, le jeune homme se releva. Wouhou, il voyait le monde de haut ! Comment ça, de haut Oo ? Ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’il baissait le regard vers le petit gryf qui n’était plus petit du tout.

"Je crois qu’on a fait une bêtise…" Constata-t-il d’une voix qui n’avait plus rien de fluette en se penchant pour ramasser l’étiquette et la tendre à Benji.

C'est avec les yeux écarquillés que Benji réalisa que son ami n'était plus là. A sa place, un garçon qui pouvait avoir quinze ou seize ans, qui dépassait des vêtements de Kenny tels les bras de paille d'un épouvantail.
C'était fini, il ne sentait plus de nouveau changement. Mais sa pomme d'Adam (qui en soit était déjà une nouveauté) monta et descendit plusieurs fois dans sa gorge, alors qu'il observait le grand Kenny avec stupéfaction, muet. Ca oui, ils avaient fait une bêtise. Il attrapa l'étiquette que son nouvel ami lui tendait, comme s'il n'osait pas regarder de quoi il s'agissait, comme s'il avait peur de savoir.
Lorsqu'il se remit à parler, ce fut une voix grave (mais au moins elle était stable) qui sortit de sa gorge.

"Potion de vieillesse." lut-il à voix haute.

Il leva les yeux vers Kenny. Et puis soudain, ils se mirent à pétiller vivement, tandis qu'un grand sourire illuminait son visage, creusant des fossettes dans ses joues. Ils ne pouvaient pas rêver mieux.

"Trop foooort !!!" s'exlama-t-il en bondissant sur ses grands pieds.

Les dernières paillettes d'or glissèrent de ses cheveux et de des haillons pour tomber par terre. L'une d'elle se glissa entre deux dalles de pierre, d'où dépassait un peu de mousse. Quelques secondes plus tard, de petits trèfles avaient poussé entre les dalles du cachot des potions.

"C'est réversible tu crois ? Imagine la tête d'Amy et Bonnie quand elles nous verront ! D'ailleurs, j'suis comment, j'suis beau ?"

Il regarda son reflet dans le verre d'un gros flacon contenant un liquide sombre, mais tout ce qu'il y vit fut un visage en forme de baudruche entouré d'une crinière de cheveux.

"Viens il faut qu'on se change, on peut pas rester comme ça sinon on va se faire attraper !! Mais d'abord, il faut supprimer les preuves."

Sur ces mots, il se pencha et s'affaira à ramasser les petits morceaux de verre afin de faire disparaître le cadavre, ainsi que les divers boutons et chaussettes, tout ce qui aurait pu laisser une trace de leur passage.

Kenny était encore en train d’hésiter entre se réjouir et s’inquiéter, mais la bonne humeur de Benji le fit définitivement pencher du côté du premier. Il avait raison, le petit grand, on s’inquiéterait plus tard pour les conséquences, ils allaient trop s’éclater ! Un peu raide dans ses restes de vêtement, il se pencha néanmoins pour aider son ami avec un sourire réjoui :

"Chaipa… On s’en fiche, c’est classe d’être vieux ! Tu crois qu’elles nous reconnaitront ?"

Cachant tous leur reste dans ses poches qui n’avaient heureusement pas explosées, il haussa les épaules et tira la langue au grand Benji d’un air particulièrement immature pour son nouveau visage d’adolescent :

"Ben… Aussi moche qu’avant hein ! Viens, on va voir les elfes de maison !"

En manque de linge, ils étaient les êtres les plus à même de les aider, et sans poser de questions en plus. Jetant un nouveau coup d’œil prudent dans le couloir, Kenny fit signe à son ami que la voie était libre et gloussant comme deux idiots, les deux garçons se glissèrent à travers les cachots pour prendre le chemin du domaine des elfes de maison. En bon casse-cou, ils savaient très bien que l’endroit pour venir réclamé du linge se trouvait juste à côté de la cuisine. Pratique, ça leur évitait de devoir se taper un trop long chemin à travers les couloirs du château, mais ça ne les empêcha pas de prendre un luxe de précautions, à grand coup d’avancées stratégiques et de repères d’éclaireurs aguerris.

Quand enfin ils parvinrent à leur objectif, Kenny jeta un coup d’œil au deuxième année. Enfin, deuxième année. Cinquième ? Sixième ? Lui lançant un regard malicieux, il se redressa et entra comme si de rien n’était, les bras mains croisés derrière la nuque. Comme d’habitude, l’immense pièce ressemblait plus à une ruche qu’autre chose. Au milieu des odeurs de la cuisine voisine, les elfes lavaient, repassaient et pliaient à grand coup de claquements de doigts experts. Cependant, malgré l’effervescence, l’entrée des deux élèves fut immédiatement remarquée et on se pressa autour d’eux pour savoir ce qu’ils désiraient.

"En fait heu… expliqua Kenny, on a eu un souci en s’entraînant aux sortilèges, on a fait rapetisser nos vêtements… On pourrait avoir de nouveaux uniformes ?"